Adénomyose et infertilité                                              Decembre 2019

1-)Definition et Generalites
L’adénomyose est la présence anormale d’ilôts endométriaux,entourées d’une prolifération de fibres musculaires lisses, au sein du myomètre au-delà de 2,5 mm par rapport à la cavité utérine .
L’invagination progressive de l’endomètre dans le myomètre est d’abord localisée à la partie interne du myomètre mais peut atteindre la séreuse, d’où l’hypothèse faite par certains auteurs d’une origine adénomyosique des nodules endométriosiques de la cloison rectovaginale.

2-)Moyens Diagnostiques
Si le diagnostic de l’adénomyose faisait appel autrefois à l’hystérosalpingographie et/ou l’hystéroscopie, il est désormais fait par l’échographie et surtout l’imagerie par résonance magnétique. En IRM,la définition de l’adénomyose passe par la mesure de la zone de jonction en séquences pondérées T2 dans le plan sagittal. Ainsi, une zone de jonction localisée ou diffuse de plus de 5 à 12 mm (97,5 % d’adénomyose), avec ou sans hypo signal, définit l’adénomyose. Cependant ,La confirmation de l’adénomyose reste histologique car elle est retrouvée dans 10 à 61 % des pièces d’hystérectomies (75 % en cas de ménométrorragies), de façon diffuse ou localisée (adénomyose focale ou adénomyome).

3-)Statistiques et facteurs de risque
Cette pathologie survient chez les femmes de plus de 35 ans, avec une fréquence de 51 % entre 40 et 50 ans, et 28 %
après 50 ans. Quelques cas d’adénomyose floride ou d’adénomyome ont été rapportés chez des femmes de moins de 20 ans .

Les facteurs de risque de cette pathologie sont la multiparité (6 à 15 % chez la nullipare, 75 % si 3 accouchements ou plus), les antécédents de curetage, de résection hystéroscopique et d’hystérotomie (65 %), une puberté après l’âge de 15 ans (25 %) et une absence de contraception (60 %) .

4-) Manifestations cliniques
Cliniquement elle se caractérise par des hémorragies (ménorragies avec caillots dans 80 % des cas) rebelles au traitement hormonal ou au curetage, des douleurs (30 %), une dysménorrhée (15 %), des pesanteurs pelviennes, une dyspareunie profonde. Les autres conséquences de l’adénomyose sont l’infertilité, le placenta accreta, praevia, la dystocie dynamique et les hémorragies de la délivrance par atonie utérine.

                                             PHYSIOPATHOLOGIE DE L’ADÉNOMYOSE ET RELATIONS AVEC L’INFERTILITÉ

Deux théories physiopathologiques s’opposent pour expliquer la survenue d’une adénomyose. Il s’agit soit d’une invagination de la partie profonde de l’endomètre à travers les fibres myométriales ou le long des lymphatiques intra-myométriaux, soit d’une métaplasie produisant du tissu endométrial au sein du myomètre . Il semble que la première hypothèse est celle qui soit retenue, en relation avec les microtraumatismes endométriaux. Par ailleurs, des facteurs
génétiques existent probablement pour prédisposer à la survenue de l’endométriose et de l’adénomyose . L’hyperactivité de l’aromatase cytochrome P450 constatée dans l’adénomyose contribue à une hyperoestrogénie locale, qui contribue à un hyperpéristaltisme .

Mecanismes ou Pathogenese :

une hyperpression endocavitaire, entraînant des microtraumatismes disloquant l’endomètre basal et conduisant à son invagination . La résultante en est la réorganisation de l’archimyomètre (couche interne circulaire du myomètre, encore appelée zone de jonction), avec infiltrat macrophagique, réaction inflammatoire chronique médiée par les cytokines, les prostaglandines, l’ocytocine et des facteurs de croissance ,le tout entretenant les dislocations endométriales et la
pathologie. La zone de jonction ( JZ ou ZP pour les Anglo-Saxons) dérive du paramésonéphros comme l’endomètre (mais à la différence du myomètre mésenchymateux). Elle est à l’origine des contractions utérines (archimyomètre) . Ce péristaltisme existe uniquement dans cette ZP (pas dans le myomètre profond), avec une direction cervico -
fundique durant la phase folliculaire et péri-ovulatoire (augmentation de l’amplitude et de la fréquence jusqu’au moment de l’ovulation). Ces ondes participent probablement à la différenciation endométriale. Durant la phase lutéale, les contractions utérines diminuent, deviennent plus courtes et anarchiques (multidirectionnelles), concourant ainsi à localiser l’implantation dans la région fundique de l’utérus. Il est à noter que le trophoblaste envahit cette ZP (qui va se disloquer 7 jours après l’ovulation), mais jamais le myomètre plus profond (sauf dans les cas de placenta accreta ou percreta).Deux circonstances modifient donc cette zone , la grossesse (avec un retour à la normale 15 jours à 6 mois après) et l’adénomyose. De plus l’étude de Mechsner a montré l’hyper expression des récepteurs à l’ocytocine dans le myomètre des femmes adénomyosiques par rapport aux femmes sans adénomyose, ce qui contribue aussi aux anomalies du péristaltisme utérin.

Les études ont retrouvées une relation effective entre adénomyose et infertilité. De Souza rapporte une incidence de 54 % d’adénomyose chez les patientes infertiles (34 ans en moyenne et 70 % nullipares).Ballester a étudié le taux cumulatif de grossesse après traitement chirurgical d’une endométriose colorectale (68,6 %), et retrouve chez les
femmes avec adénomyose un taux de 19 % contre 82,4 % chez les femmes sans adénomyose, soit un OR : 0,34 avec un IC 95 % . Kunz a mené deux études concernant l’adénomyose. En 2005, il étudie 227 femmes infertiles (160 avec endométriose et 67 sans). La prévalence de l’adénomyose est de 79 % chez les femmes avec endométriose, passant à 90 % chez celles qui ont un conjoint fertile (défini comme ayant une mobilité de type « a » > 20 %), soit une différence significative (p < 0,01). Cet effet de l’adénomyose peut s’expliquer par une perturbation du transport utérin des spermatozoïdes du fait des modifications de l’archimyomètre . La deuxième étude de cet auteur a été menée en 2010 chez 113 femmes infertiles, ayant ou non des ovocytes immatures (en métaphase 1 ou VG). En l’absence d’ovocytes immatures, l’adénomyose est plus fréquente (p < 0,004) et le taux de grossesse cumulé est significativement diminué (p < 0,025) par rapport aux femmes ayant des ovocytes immatures. Kissler a montré les perturbations du transport utérotubaire en hystérosalpingo scintigraphie, avec une corrélation parfaite avec l’augmentation de la zone de jonction (ZP), cependant des différences entre adénomyose focale et adénomyose diffuse. Ainsi dans le groupe des femmes avec adénomyose diffuse, 10 % des transports sont bilatéraux et 15 % controlatéraux, alors qu’en cas d’adénomyose focale les taux sont de 40 et 35 % (65 et 35 % chez les femmes sans adénomyose). Ces résultats sont des arguments pour la prise en charge en FIV des femmes présentant une adénomyose. Adesiyun a montré l’augmentation des obstructions tubaires unilatérale ou bilatérale en cas d’adénomyose (jusqu’à 90 %).

                                                              TRAITEMENTS DE L’ADÉNOMYOSE POUR AMÉLIORER LA FERTILITÉ

Médical et/ou chirurgical

1_ Medical
Dans la mesure où l’hyperoestrogénie joue un rôle initiateur sur le péristaltisme utérin et la dislocation endométriale, le but du traitement médical sera d’entraîner une hypo-oestrogénie . Plusieurs molécules ont été proposées : progestatifs (19 nor-stéroïdes, 17 nor-pregnanes, DIU au lévonorgestrel - Mirena®, diénogest), danazol, agonistes de la GnRH
et demain peut-être les SPRM (selective progesterone receptor modulator).
Les agonistes de la GnRH sont connus pour diminuer l’aromatase cytochrome P450 dans l’endomètre eutopique des femmes avec endométriose ou adénomyose. Hishihara a montré la diminution du cytochrome P450 après un mois de traitement par agoniste de la GnRH. De même, les agonistes de la GnRH diminuent l’infiltrat macrophagique constaté dans l’adénomyose et suppriment les péroxynitrites, produits toxiques pour les tissus. Mijatovic a montré que la présence d’une adénomyose n’est pas un facteur péjoratif de grossesse en FIV, à condition qu’un traitement par agoniste dela GnRH soit prescrit 3 mois avant la prise en charge.

2- Chirurgical :
Le traitement chirurgical de l’adénomyome est plus indiqué que les traitements chirurgicaux conservateurs des adénomyoses extensives, efficace sur les douleurs mais avec un très faible taux de grossesse. Le traitement endoscopique peut être proposé après échec du traitement médical. Il consiste à détruire électivement certaines zones localisées d’adénomyose, en proscrivant toute destruction massive de l’endomètre. Cette coagulation est réalisée soit par le laser Nd-Yag, soit par la pointe électrique monopolaire. Le risque d’une telle chirurgie est la survenue d’une synéchie iatrogène. L’effet d’une telle destruction sur la fertilité est difficile à quantifier, dans la mesure où les foyers moyens et profonds ne sont pas détruits et du fait de l’intrication fréquente à d’autres pathologies (myomes, polypes, atteinte interstitielle tubaire).
Certains auteurs ont également décrit par laparotomie des hystérotomies avec résections de nodules myométriaux . Des études ont montrées les effets positifs des agonistes de la GnRH +/- chirurgie (adénomyomectomie ➞ 50 % de grossesse, ). Al-Jama compare deux groupes, l’un traité par agoniste de la GnRH seul (6 mois) et l’autre par chirurgie (exérèse microchirurgicale des adénomyomes), puis agoniste 6 mois. Après un suivi de 3 ans, les taux de grossesse sont respectivement de 13,6 % dans le premier groupe et 44,4 % dans le 2e groupe (p : 0,0393). Cette différence en termes de taux de grossesse pourrait s’expliquer par la récidive des adénomyomes et de l’adénomyose à l’arrêt des agonistes, comme cela est observé en cas de traitement préopératoire pour des myomes.

En assistance médicale à la procréation (AMP)
Cette pathologie est fréquente chez les femmes de plus de 38-40 ans prises en charge en AMP. C'est une pathologie qui peut s’accompagner d’une perturbation de la fonction ovarienne avec augmentation des ovocytes immatures et d’un défaut d’implantation de l’embryon. Les études de l’impact de l’adénomyose sur les résultats en FIV sont variables dans la littérature.Certaines témoignant d’un effet péjoratif, d’autres non.

CONCLUSION
L’adénomyose est responsable de perturbations physiopathologiques diminuant les chances de grossesse, cependant son effet au cours de la prise en charge en FIV/ICSI est atténué par la prescription de protocoles longs ou ultra-longs avec les agonistes de la GnRH. Certains auteurs signalent une augmentation des FCS, peut-être en rapport avec
l’activité myométriale particulière de cette pathologie. Les autres traitements médicaux et le traitement chirurgical de l’adénomyose ne donnent pas satisfaction. Cependant dans les prochaines années les SPRM (selective progesterone receptor modulators), molécules agonistes/antagonistes du recépteur de la progesterone, pourraient apporter un
bénéfice. Ils sont responsables d’une anovulation, d’une aménorrhée et d’une baisse des prostaglandines, ce qui entraîne une amélioration des douleurs et une régression des lésions dans l’endométriose, sans
entraîner d’hypo-oestrogénie .

P.S. C'est le resume d'une Publication du Professeur P.Merviel  , Professeur du CHU de Amiens.